La qualité de vie au travail (QVT) ou bien-être au travail (BVT) est une problématique plus que jamais d’actualité, malgré les nombreux nouveaux outils apportés par l’essor du numérique et l’évolution des modes de travail qui, peut-être encore trop peu développés, ne parviennent pas à endiguer le désengagement, la perte de sens, l’anxiété et les maladies professionnelles touchant la santé morale.

Retrouvez ici la suite de l’interview d’Annie Le Flohic, une spécialiste qui a fait de l’amélioration du bien-être au travail le cœur de son activité.

 

Un changement positif de paradigme

Mots & Merveilles – La Fabrique : Est-ce que tout le monde est réellement concerné par la QVT ?

Annie Le Flohic : Malheureusement et heureusement, oui, tout le monde est concerné. Chacun est maître de sa QVT et de celle des autres. Le bien-être au travail est le meilleur quand il est collectif et en tenant compte de chaque individu. Avec les RPS (risques psycho-sociaux) grandissants, personne n’est épargné ; cela va du directeur en overdose de responsabilités (toujours plus importantes) au cadre en burn-out, en passant par les salariés égarés (perte de sens, plus engagés ni motivés). Tous les secteurs d’activités sont concernés, privés ou publics (éducation, santé, police, pompier, ministères par exemple), mais aussi toutes les typologies d’emploi – cadre, employé, indépendant, artisan, fonctionnaire. Chacun est responsable et touché par le bien-être au travail et plus largement par le bonheur sociétal et par l’avenir humain de demain, à l’échelle de la planète.

Mots & Merveilles – La Fabrique : Au-delà des chiffres que tu as donné sur le bonheur des salariés, qu’est-ce que mettre en place des actions visant à améliorer la QVT apporte aux entreprises, aux salariés et aux indépendants ?

Annie Le Flohic : Les entreprises ont tout à gagner de mettre en place le bien-être au travail. Quand on sait que le mal-être coûte à la société 10000 €/an/salarié, il est très avantageux d’investir pour réduire cette facture. Les entreprises gagnent en productivité, en créativité, en rentabilité, en stabilité, en attraction, en motivation, en engagement et en épanouissement individuel et collectif.

Mots & Merveilles – La Fabrique : Il est vrai qu’une étude a mis en avant que le désengagement et la non-disponibilité des salariés du secteur privé représentent 11,5 % du PIB (Mozart Consulting/Groupe Apicil, 2016).

Annie Le Flohic : Les salariés ne sont pas en reste, même si les gains matériels vont essentiellement aux entreprises et au travail. On œuvre à leur bien-être : ils gagnent en décharge émotionnelle, en diminution de stress, en augmentation de qualité du sommeil, en équité (égalité femmes/hommes), en soutien par un management bienveillant, en santé (sport et nutrition en entreprise), en spiritualité (méditation par exemple), ou encore en équilibre pro/perso et en création de liens (dimension sociale). Les salariés se sentent écoutés, reconnus mais aussi sont sollicités dans le collectif. Enfin, pour les indépendants, ce qui est paradoxal c’est que face à l’urgence d’actions et le gain d’avoir une démarche QVT, les CHO (Chief Happiness Officer), consultants et autres freelances peinent à trouver des missions. L’emploi de ces personnes n’est pas si florissant qu’on pourrait le croire. Exerçant un métier « nouveau », il faut beaucoup expliquer, évangéliser et convaincre les bienfaits de ce poste. Face aux changements de plus en plus fréquents, ces personnes sont pourtant nécessaires, voire indispensables. Bien que des initiatives telles que La Fabrique Spinoza, Le Club des CHO ou Happytech travaillent sur un référentiel ou proposent des formations, la profession se cherche toujours et les entreprises sont frileuses, méfiantes et peu convaincues. Le bien-être au travail est alors proposé en stage ou aux DRH qui sont déjà overbookées… La QVT est donc en réalité, bien trop souvent, mise en second plan.

Comment mettre concrètement en place une meilleure qualité de vie au travail ?

Mots & Merveilles – La Fabrique : Cela rejoint certains chiffres que j’ai pu trouver, à savoir que sur 61 % des entreprises ayant entamé des initiatives pour la QVT, seules 32 % d’entre elles les ont bien activées (Kantar TNS pour l’Anact). Il semble bien que la QVT et ses déclinaisons (management bienveillant, amélioration du lieu de travail, télétravail…) soit devenu un argument à l’emploi et un élément favorisant l’image des entreprises, cela peut être extrêmement positif, mais encore faut-il que les démarches engagées soient bel et bien menées… Peut-être que les mentalités ne sont pas encore tout à fait prêtes. Selon toi, quels changements de mentalité la QVT implique-t-elle ?

Annie Le Flohic : Les évolutions de raisonnement s’opèrent doucement, surtout pour les anciennes générations. Les générations Y et Z, entrant dans la vie active sont natifs sur nombreux de sujets liés au BAT (bien-être au travail) et sont souvent à l’origine de cette mutation. Pour les autres, on passe d’un management directif vers un management participatif, voir collaboratif. Cela implique qu’on travaille en mode start-up et non en mode entreprise. Chacun apporte une pierre à l’édifice et interagit avec tous. Les salariés développent alors leurs capacités à s’ouvrir, communiquer, participer, évaluer, critiquer et inventer puis essayer et recommencer… Apparaît donc le droit à l’erreur, les ateliers de travail commun, l’entraide et le soutien.

Mots & Merveilles – La Fabrique : J’imagine que ce changement de paradigme réclame entre autres une meilleure formation des cadres et futurs cadres, notamment en termes de management bienveillant. Selon toi, comment mettre concrètement en place une meilleure qualité de vie au travail ?

Annie Le Flohic : Concrètement, c’est plutôt simple à mettre en place. Par un investissement financier (coût direct de base), il suffit de donner les moyens à une personne d’agir. Cette personne doit pouvoir réaliser le soutien, les changements et les événements nécessaires pour obtenir une cohésion générale. Cette personne également doit posséder des savoir-faire comme la communication interne, l’audit, la gestion et suivi humain et le coaching/PNL ; mais aussi des savoir-être tel que l’empathie, la bienveillance, l’écoute active, la psychologie positive, la remise en question régulière par des formations régulières, l’attention, la créativité des événements et des ateliers. Généralement, une personne – expérimentée et souvent indépendante de l’entreprise – réalise un audit général de la structure à gérer. Elle apporte alors des pistes d’amélioration et, en concert avec les dirigeants, elle met en place des actions choisies, très variées et en adéquation avec les éléments à instaurer. Idéalement elle serait membre du CODIR (comité de direction) afin d’éclairer les stratégies, les axes futurs et les orientations à suivre, avec le souci constant du facteur humain dans les organisations.

Mots & Merveilles – La Fabrique : Quelles petites initiatives peuvent tout changer ?

Annie Le Flohic : Mettre à disposition un journal de communication, même de deux pages ; ou encore une boite à idées ET développer une de ces idées (choisi par vote des salariés) dans le mois suivant. Aménager des locaux accueillants, éventuellement en utilisant les règles du feng shui. Organiser régulièrement une demi-journée du rangement ; et une demi-journée de réflexion collégiale. Ou encore, actionner un feu tricolore à l’état (vert = je vais bien, orange = ça peut aller, mais souci et rouge = ça ne va pas).

Pour conclure…

Mots & Merveilles – La Fabrique : Est-ce que le bien-être au travail (BAT) sera fondateur de l’entreprise de demain ?

Annie Le Flohic : Le BAT sera comme l’écologie aujourd’hui une prise de conscience qu’il faut changer les modes de fonctionnement. Il faut repenser l’Homme, l’intégrer dans une dimension plus planétaire. Nos futures entreprises sont déjà au cours de façonnage par cette prise en compte des Possibles (intelligence émotionnelle, intelligence artificielle, digitalisation etc.. )

Les enjeux majeurs de l’amélioration de la qualité de vie au travail s’ancrent autour de la vision du fonctionnement de l’entreprise (rôle du manager, management bienveillant, participatif et/ou collaboratif), mais aussi autour de l’optimisation des nouveaux outils numériques et du mode de vie qu’ils induisent (télétravail, smart office, temps de vie en entreprise, sport, réseaux internes) : le but est d’améliorer la santé mentale et psychique de tous les travailleurs, de redonner du sens à leur activité professionnelle et, par effet de cercle vertueux, d’obtenir une bien meilleure productivité et une plus grande satisfaction à l’égard de cette activité à laquelle les personnes en activité consacrent plus d’un tiers de leur temps.

 

Pour relire la première partie de l’interview, c’est ici :

 


Le partenaire de Mots & Merveilles – La Fabrique : Annie Le Flohic

Ingénieur productique de formation, puis commerciale, chef d’agence, et enfin responsable marketing et communication, j’ai rebondi suite à un burn-out. Aujourd’hui j’œuvre dans les ressources humaines en tant que facilitatrice en bien-être au travail avec mon agence À La BonHeur.
Je vous apporte mes audits/conseils, formations et mises en place de stratégies, afin de prévenir les risques psycho-sociaux dans l’entreprise et ainsi améliorer le bien-être au travail.

 

 

Pour suivre Annie et son agence À la BonHeur :

 


Ressources :

 

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